Thursday 15 January 2009

Un barrage contre le Pacifique


"Les barrages de la mère dans la plaine, c'était le grand malheur et la grande rigolade à la fois, ça dépendait des jours. C'était la grande rigolade du grand malheur. C'était terrible et c'était marrant. Ça dépendait de quel côté on se plaçait, du côté de la mer qui les avait fichus en l'air, ces barrages, d'un seul coup d'un seul, du côté des crabes qui en avaient fait des passoires, ou au contraire, du côté de ceux qui avaient mis six mois à les construire dans l'oubli total des méfaits pourtant certains de la mer et des crabes. Ce qui était étonnant c'était qu'ils avaient été deux cents à oublier ça en se mettant au travail. " Un barrage contre le Pacifique, Marguerite Duras

Indochine, 1931. Un cabanon entouré de rizières. Dans une atmosphère suffocante, une mère de deux enfants lutte contre la mer de Siam qui envahit ses rizières dans lesquelles elle a placé ses derniers sous. Entre dépressions et folie douce, elle entame son grand projet: construire un barrage contre le Pacifique.


C'est en lisant Les cahiers de la guerre, ensemble de carnets rédigés par Duras entre 1943 et 1949, longtemps conservés dans les "armoires bleues" de la maison de l'auteur sans être publiés, que j'ai découvert Un barrage contre le Pacifique, ou du moins son ébauche. Cette lecture m'avait fascinée au même titre que le journal de Gide: les personnages prennent forme au fil des pages, le récit autobiographique se laisse imprégner peu à peu de fiction, le lecteur assiste à la création de l'oeuvre. J'avais toutefois été très frustrée de ne pas poursuivre le récit du barrage, qui s'arrête sans prévenir dans ces carnets. J'étais donc très curieuse de découvrir l'univers crée par Rithy Panh autour de l'enfance de Marguerite Duras en Indochine coloniale.

Alors OK, on effleure souvent le cliché, on retrouve peu la finesse, l'ironie et la violence dont est emprunt le récit de Duras. OK, il faut passer au-delà du jeune amant chinois qui se mordille les lèvres en caressant du bout des doigts la porte de la salle de bains dans laquelle se déshabille sa jeune maîtresse. Dépasser cela pour se laisser emporter par la folie à fleur de peau d'Isabelle Huppert,dans le vert insolent des rizières, dans la nuit envoûtante et habitée de l'Indochine...
...Se plonger dans les délices d'un Gaspard Uriel bronzé et bourru...miam!
...ou ressentir ces tremblements de nos 15 ans: première boum, premiers émois, première veste en Jean, 3 nuits par semaine, aahhh l'Indochine..

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